L’ambition de ces deux rencontres est de contribuer à combler une lacune historiographique en nouant un dialogue entre les études historiques – où l’on
observe depuis
longtemps un regain d’intérêt pour l’étude des relations internationales et, en
particulier, pour la diplomatie à la fin du Moyen Âge et au début de l’époque
moderne – et les études relevant de l’histoire du droit, en particulier
l’histoire de la pratique et de la doctrine médiévale du droit des gens.
L’État étant considéré
comme l’acteur exclusif et même l’a
priori de toute compréhension possible des relations internationales, on
conçoit encore souvent le droit international comme le droit interétatique :
du même coup, on exclut du champ d’investigation les relations entre pouvoirs
politiques les plus divers. Or la constellation politique médiévale était
caractérisée par une pluralité de centres de pouvoir au statut variable, où
l’autorité politique était répartie à différents niveaux. Au lieu d’un lien
univoque entre souveraineté et territoire, cette constellation révèle un
entrelacement et un chevauchement complexe de différentes juridictions, fondées
sur des liens de dépendance personnelle et sur des relations de sujétion territoriale.
Loin de pouvoir être conçu comme un droit interétatique dominé par l’État
national souverain, le droit international de la fin du Moyen Âge et du début
de l’époque moderne devrait plutôt être considéré comme le cadre multi-normatif
qui régit les relations entre une grande variété d’acteurs.
Sur cette
question, nous organisons deux rencontres, la première à Rome le 20 septembre
2021 et la deuxième à Lille et Courtrai les 18-19 mai 2022. Notre but est d’aborder
un vaste éventail de thèmes concernant le droit international, comme la guerre
(ses conditions et son déroulement, soldats
et mercenaires, droit de prise et de captivité, négociation et exécution des
traités de paix), les représailles, la diplomatie (envoyés diplomatiques,
traités d’alliance, ligues et adhaerentiae), les relations féodales (par
exemple l’obligation du vassal de répondre à l’appel aux armes du seigneur), la
relation entre juridiction et territoire (notion de frontière, statut des
étrangers), le droit international privé, le droit de la mer (y compris le
statut des pirates), les commerces et les relations avec les juifs et les « infidèles ».
En outre, trois thèmes transversaux
feront l’objet d’une attention particulière. Il s’agit des acteurs du droit
international (leur sélection, leur statut et la dynamique de leurs relations
réciproques) ; des sources du droit international, étant donné que ce dernier
ne constituait pas à l’époque prémoderne une branche autonome de la science
juridique ; et de la résolution des conflits, en particulier à travers la
médiation et l’arbitrage (deux institutions qui ont reçu moins d’attention dans
l’historiographie par rapport à la négociation et la guerre).
L’organisation de deux rencontres et
la contribution de chercheurs de différentes formations nous permettront de
discuter cet ensemble de thèmes sur une période qui s’étend du XIIe
au XVIIe siècle, en Europe occidentale et sans exclure les relations
des acteurs européens avec l’Orient (Byzance, les Mongols, les Ottomans), le
Maghreb et les terres « découvertes » au XVe et au XVIe
siècle.
Du point de vue
méthodologique, nous envisageons une étude aussi bien de la pratique que de la
doctrine. Concernant la pratique, il faut comprendre quels étaient les
mécanismes qui permettaient de gérer les relations entre des ordres politiques
et juridiques différents. Concernant la doctrine, il s’agit d’étudier la
manière de laquelle ce rôle fut joué surtout par le ius commune –
produit de la science du droit romain, canonique et féodal – qui fournit aux
juristes les concepts et les méthodes nécessaires pour gérer la
multi-normativité et, en particulier, les relations entre des systèmes
juridiques locaux (appelés iura propria).
Des communications s’inscrivant dans la thématique de ces deux
colloques sont attendues. Les propositions, en anglais, en français ou en italien,
doivent être adressées par
courrier électronique à dante.fedele@univ-lille.fr,
randall.lesaffer@kuleuven.be
et savy_pierre@yahoo.fr. Elles
doivent parvenir d’ici le 31 janvier 2021 et compter au moins 3000 caractères. Le résultat de la sélection
sera communiqué avant le 28 février 2021. Une publication des actes soumise au contrôle des pairs est
envisagée.
Les frais de transport et d’hébergement seront pris en charge
par les institutions partenaires du projet.
English description:
The purpose of these two conferences is to help fill a historiographical gap by establishing a dialogue between historical studies – which have attested a renewed interest in the study of international relations, and diplomacy in particular, in the late medieval and early modern period – and legal historical studies, in particular the history of the late medieval practice and doctrine of the law of nations.
Today, international law is still basically conceived of as interstate law: in fact, the state is considered as the primary actor – and even the a priori condition of any possible understanding – of international relations. This approach leads to exclude relations between non-statal political actors from the field of investigation. However, the medieval political constellation was characterised by a plurality of power centres of varying status and a distribution of political authority at different levels. Instead of a clear link between sovereignty and territory, this constellation reveals a complex interweaving and overlapping of jurisdictions of various kinds, which were grounded either in bonds of personal dependence or in relations of subjection within territorial domains. Far from being conceived of as interstate law dominated by the sovereign national state, late medieval and early modern international law should be regarded as the multi-normative framework which governed the relations between a wide variety of actors.
Two conferences on this issue will be organised in Rome and Lille/Kortrijk on 20 September 2021 and 18/19 May 2022. Our goal is to tackle a wide range of themes relating to international law, such as war (its conditions and conduct, soldiers and mercenaries, the law of booty and captivity, the negotiation and execution of peace treaties), reprisals, diplomacy (diplomatic envoys, alliance treaties, leagues and adhaerentiae), feudal relations (for example the obligation of vassals to respond to their lord’s call to arms), the relationship between territory and jurisdiction (the notion of border, the status of foreigners), conflicts of laws and jurisdiction, the law of the sea (including the status of pirates), trade and relations with Jews and so-called infidels.
Additionally, three cross-cutting themes will receive special attention. These are the actors of international law (their selection, their status and the dynamics of their reciprocal relations); the sources of international law, which in premodern times was not an autonomous branch of legal scholarship; and the resolution of conflicts, in particular through mediation and arbitration (two institutions which have attracted less interest in historiography, compared to negotiation and war).
The organisation of two conferences and the contributions from scholars of different backgrounds will allow us to discuss these issues over a period stretching from the 12th to the 17th century in Western Europe, including the relations of European actors to the East (Byzantium, the Mongols, the Ottomans), the Maghreb and the lands “discovered” in the 15th and 16th centuries.
From a methodological point of view, both practice and legal scholarship will be considered. Regarding the former, we aim to understand what mechanisms made it possible to manage the relations between various political and legal orders. Concerning legal scholarship, our purpose is to study how this role was played especially by the ius commune (a product of the science of Roman, canon and feudal law), which provided jurists with the necessary notions and methods to manage multi-normativity and, in particular, the relations between local legal systems (the iura propria).
We kindly invite scholars to present their new research on the theme of these conferences. All applications must be sent by 31 January to dante.fedele@univ-lille.fr, randall.lesaffer@kuleuven.be and savy_pierre@yahoo.fr with a proposal of at least 3,000 characters. The results will be communicated by 28 February 2021. The proceedings will appear in a peer-reviewed publication.
Transportation and accommodation costs will be covered by the organising institutions.
Partner institutions
Centre d’histoire judiciaire (UMR 8025) – Université de Lille (Dante Fedele)
École française de Rome (Pierre Savy)
KU Leuven, Department of Roman Law and Legal History (Randall Lesaffer)