Source: Collège de France |
Colloque coorganisé par la Pr Samantha Besson, chaire Droit international des institutions et le Pr Henry Laurens, chaire Histoire contemporaine du monde arabe.
Garantie pour la première fois en droit international en 1948 (Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide du 9 décembre 1948), l’interdiction du génocide est souvent considérée comme l’interdiction du « crime des crimes ». Contrairement aux autre crimes codifiés à nouveau depuis dans les statuts de tribunaux pénaux internationaux (dont le Statut de Rome de la Cour pénale internationale (CPI) du 17 juillet 1998), le crime de génocide n’a jamais varié dans sa formulation. En comparaison, il a aussi été peu invoqué et, dès lors, peu interprété dans la jurisprudence, que ce soit par les tribunaux pénaux nationaux ou les tribunaux pénaux internationaux ad hoc ou permanents comme la CPI. Certains en ont déduit une force normative parmi les plus élevées en droit international, une valeur de reconnaissance historique des crimes commis et, c’est lié, un rôle avant tout préventif. Depuis une quinzaine d’années, toutefois, une évolution se fait sentir. La violation de l’obligation qu’ont les États de prévenir le génocide est invoquée de manière de plus en plus fréquente en pratique. C’est ainsi que, dès 2007, la jurisprudence de la Cour internationale de justice (CIJ) s’est étoffée autour de l’obligation de prévention du génocide. Actuellement la clause de compétence de l’art. IX de la Convention de 1948 est au fondement de pas moins de quatre procédures contentieuses contre des États devant la CIJ.
Face à cette évolution rapide de la pratique internationale, un bilan juridique s’impose. Étant donné la place centrale donnée à divers titres à l’histoire au sein du raisonnement juridique en matière de génocide, il est intéressant d’y procéder en dialogue avec les historiens. La Convention de 1948 y invite d’ailleurs les juristes, reconnaissant dans son préambule « qu’à toutes les périodes de l’histoire le génocide a infligé de grandes pertes à l’humanité ». L’intérêt d’un tel bilan vaut aussi en histoire. La question se pose en effet de l’application du concept (juridique) de génocide aux réalités mouvantes de l’histoire, en particulier à un moment où de larges pans du passé sont vécus comme appartenant toujours à notre présent. Il ne s’agit pas de nier l’existence d’exterminations de masses, mais de déterminer si le concept de génocide apporte un élément supplémentaire de compréhension aux processus étudiés.
Durant cette journée de rencontre, juristes et historiens, spécialistes du génocide, noueront un dialogue, nous l’espérons, fructueux. Leurs débats seront articulés autour de quatre questions : 1) Interdiction du génocide : des violences et « légendes noires » au crime de droit coutumier ; 2) Auteurs de génocide : individuels, collectifs et/ou institutionnels ; 3) Conditions du génocide : intentions et/ou processus génocidaires ; et 4) Justice et vérité du génocide : « passé qui ne passe pas » et « assassins de la mémoire ». Le traitement de ces questions sera bien entendu l’occasion de revenir sur différents cas de génocide dans l’histoire, y compris dans l’histoire du droit international.
Intervenantes et intervenants : Monique Chemillier-Gendreau (université Paris Cité) ; Christian Ingrao (CESPRA, École des hautes études en sciences sociales/CNRS) ; Mark Levene (université de Southampton) ; Rafaëlle Maison (IEDP, université Paris-Saclay) ; Jean-Clément Martin (IHMC, université Paris 1 Panthéon-Sorbonne) ; Guénaël Mettraux (Chambres spécialisées pour le Kosovo, La Haye & Dickinson Law School, université d’État de Pennsylvanie) ; Henry Rousso (IHTP, CNRS) ; William Schabas (université de Middlesex, Londres).
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